Prendre le large


Je ne vous ai pas écrit vendredi dernier.
Je conduisais. S’il y a bien une chose que j’aime dans la vie, c’est partir sur un coup de tête. Faire mon sac en quelques minutes, me retrouver dans la voiture et ne pas m’arrêter jusqu’à ce que le ciel soit bleu. Ne pas réfléchir, réserver une première nuit d’hôtel sur la route.
Faillir jaillir, dans mon quotidien, la liberté, la joie et la légèreté.
Sur le chemin, tout semble alors possible.
D’abord, la mer. Et puis, on verra.
Ouvrir les fenêtres. Chanter. Balancer le stress, les urgences et les angoisses sur le trajet. Laisser la lumière d’un autre pays me bercer et me ramener à l’essentiel. Parler une autre langue pour mettre de la distance sur son quotidien.
D’abord, la mer. Et puis, on verra.
Je suis rentrée de Cadaqués reposée, allégée, hâlée. Avec du sel sur la peau et des mots plein les poches.
Je ne suis pas rentrée transformée, mais plus alignée et reposée.
J’ai des idées toutes neuves, et une énergie retrouvée, pour le mois de juin.
C’est peut-être, à mes yeux, la plus grande difficulté quand on entreprend : parvenir à vraiment déconnecter.
Encore plus en temps de crise. Quand chaque jour semble compter double.
Il y a cette injonction silencieuse : faire, produire, avancer. Tester. Corriger. Comprendre. Être là.
Être là pour ne pas regretter. Pour ne pas culpabiliser. Pour donner le meilleur de soi-même.
Je n’ai pas réussi à couper plus de 48 heures après mon accouchement.
J’avais peur de tout rater. De ne pas y arriver. De perdre ce que j’avais mis tant d’années à construire – mon premier bébé, mon entreprise. Je voulais concilier l’impossible. Je voulais que mon bébé ait une maman présente, et qui arrive à jongler avec son travail.
Alors, j’ai continué à faire ce que je savais faire de mieux : travailler.
J’ai travaillé à chacune de ses siestes. En allaitant. En cuisinant. La nuit.
J’ai travaillé chaque fois que mon bébé me laissait un interstice de liberté.
Et si mes amis me disaient de ralentir, c’était la seule chose qui m’apaisait.
C’était une manière de rester debout, ou plutôt de continuer à faire tenir Les mots à l’affiche. A ne pas choisir.
On connaît tous l’importance du repos chez les sportifs. On oublie que l’entrepreneuriat, lui aussi, est une course de fond.
Alors ce week-end, j’ai fait ce que je n’avais pas osé depuis longtemps : j’ai coupé.
Et je me suis retrouvée.
J’espère que vous allez bien, et que ce mois de juin ne vous engloutit pas trop face au mille et une choses à faire avant la fin de l’année scolaire. Je pense fort à vous qui courrez partout, et qui avez pris malgré tout quelques minutes pour lire ce mail. Respirez, tout ira bien.